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1942, enquête de mémoire (NOUVEL OBS)

mercredi 16 mars 2005, par La cavale

La chaîne Histoire consacre deux soirées à la position de l’Alsace dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Les deux premiers documentaires diffusés ce soir s’intéressent à la période de l’Occupation et à la libération. « 1942, enquête de mémoire » se présente sous la forme d’une enquête menée par un historien, Alfred Walh, connu pour ses nombreux travaux sur ce sujet épineux. Sa recherche se concentre sur l’année 1942 qui, pour le reste de la France, demeure l’année charnière, celle du retournement de l’opinion après les grandes rafles de juifs.
En Alsace, le contexte est tout autre : l’année 1942 est avant tout celle qui sonne l’incorporation de force des jeunes Alsaciens – ceux que l’on nommera les « Malgré-nous » – dans la Wehrmacht. A l’aide de nombreux témoignages, d’images d’archives, de vestiges de discours, de l’analyse de la presse, Alfred Walh essaie de reconstituer ce que fut la vie quotidienne pendant cette année. Il montre l’énorme pression exercée par les Allemands sur la population au moyen de représailles et d’une propagande omniprésente. Il s’intéresse en particulier à l’enrôlement des jeunes gens : les associations de jeunesse hitlérienne, l’arrivée d’instituteurs allemands, l’apprentissage de l’allemand à l’école et les chants patriotiques… Dans l’Alsace annexée, tous les domaines de la vie quotidienne sont en voie de nazification : germanisation des enseignes, des noms de rues, interdiction du port du béret, de l’usage du français, de chanter « la Marseillaise ». Plus que dans tout autre région, la vie quotidienne est sous contrôle.
Parallèlement à l’enquête, le réalisateur s’est intéressé à la démarche de l’historien, à sa propre implication, à la différenciation entre histoire et mémoire. Cette réflexion, alimentée par la superposition des images d’archives et des recherches et visions de l’historien, insuffle à ce documentaire une dimension plus personnelle et émotionnelle.
La seconde partie de soirée consacrée aux « libérations de l’Alsace » met l’accent, une fois encore, sur l’histoire marginale de cette dernière région française à avoir été libérée. Dans ce film retraçant les différentes étapes de la libération, les réalisateurs insistent sur la douloureuse attente de l’Alsace, paralysée pendant de longs mois par une ligne de front allemande qui interdisait aux troupes du général Leclerc de relier le Nord et le Sud. L’enjeu de cette bataille stratégique était la reddition de la poche de Colmar, indispensable pour couper le cordon ombilical qui reliait cette ville à l’Allemagne. Mais la bataille d’Alsace, qui ne s’achèvera définitivement qu’en avril 1945, a coûté plus de 20 000 vies.
La majorité des personnes interrogées se sentaient françaises et attendaient avec impatience la libération, mais la réalisatrice Monique Seeman ne s’est pas limitée aux témoignages d’anciens résistants FFI et combattants de la 2 e DB. Elle a aussi fait la démarche d’interroger un capitaine de la Wehrmacht contemplant avec nostalgie le cimetière où reposent plus de 5 000 soldats allemands, ou encore un « Malgré-nous » enrôlé de force dans l’armée allemande, puis déserteur. Un troisième documentaire (diffusé demain mercredi, à 20h50) intitulé « Lendemains de guerre – Alsace 1945-1955 » montre les blessures et les séquelles de l’Alsace écartelée entre deux nations dans les années de l’après-guerre.

Nathalie Vallez

Le Nouvel Observateur, 16 mars 2005