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A comme amoureuses (LE CINEMA DOCUMENTAIRE DE A à Z)

lundi 20 mai 2019, par La cavale

Où sont nos amoureuses ? Robin Hunzinger, 2006, 52 minutes.

Le destin de deux femmes. Retracer le destin de deux femmes nées dans les premières années du XX° siècle. Raconter leur rencontre, leurs études, leur amour, leur séparation. Rechercher des documents, lettres et journaux intimes, des photos et films familiaux, des archives historiques aussi. Retrouver les faits, les commenter, les mettre en perspective, avec la grande Histoire.

Deux jeunes femmes libres, modernes, cultivées, passionnées et passionnantes. Leur vie, pendant l’entre-deux guerres, auraient pu être une réussite exemplaire, exemplaire de liberté et de bonheur. Mais les difficultés professionnelles (enseignantes elles ne sont pas nommées dans la même ville et doivent attendre les vacances pour se retrouver). Mais les désirs aussi, différents (Emma a un amant, ce que Thérèse accepte tout à fait, mais lorsqu’elle se marie, c’est la rupture).

Pendant la guerre, la seconde, l’une s’engage, l’autre pas. Le film devient alors un hommage à Thérèse, cheffe d’un réseau de résistants en Bretagne. Arrêtée par la Gestapo, elle mourra sous la torture. Sans avoir parlé.

Une grande partie du film, pourtant, faisait la plus grande place à Emma, le récit étant plutôt rédigé de son point de vue (puisque les lettres qui ont été retrouvées sont les siennes, et de même pour ses deux journaux intimes). Le récit, en voix off, est écrit en première personne (c’est celui de la propre fille d’Emma). Il comporte de longs extraits des lettres et des journaux où Emma parle de sa vie mais aussi de sa relation avec Thérèse. Une relation qui deviendra difficile. Mais qui restera comme illuminé par leur amour. Le film ne prononce pas le mot homosexualité, volonté sans doute de respecter le voile de pudeur que l’époque mettait sur cette relation. Mais tant de choses sont dites avec franchise, avec poésie aussi. Emma écrivait très bien.

Les photos, les extraits de films de l’époque, en noir et blanc bien sûr, et souvent non restaurés (les striures sont bien présentes), contrastent avec les images en couleur montant les lieux actuels de cette histoire d’amour, la montagne, la mer, les champs, les petites villes où elles ont travaillé. Le tout est monté avec une grande rigueur, ce qui n’exclut pas une élégance très raffinée. On en oublierait presque le côté parfois un peu trop « commentaire de documentaire » de la voix off.

Un film où dominent les sentiments, mais sans effusion sentimentale.

Un film sur une banale histoire d’amour (quoique, resituée dans son époque, la banalité soit toute relative).

Un film sur la vie, des vies, souvent malmenées par l’Histoire. Mais des destins que le réalisateur rend exemplaires.

Un film centré sur la réflexion, mais particulièrement riche en émotions.

jean pierre Carrier