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La Distanciation selon Robin Hunzinger (Magazine ZUT)

jeudi 15 avril 2021, par La cavale

Si proche et pourtant déjà lointain. Dans La Distanciation, cinq réalisateurs racontent le premier confinement, entre mars et mai 2020, dans un film collectif diffusé à partir de ce lundi 5 avril sur France 3 Grand Est et désormais disponible en replay. Parmi eux, le documentariste Robin Hunzinger se raconte depuis les hauteurs de Lapoutroie où il réside avec ses deux enfants. Au cours d’une histoire personnelle à portée universelle. Entretien.

Comment est né ce projet de documentaire ?
Il est né juste avant le premier confinement et l’allocution d’Emmanuel Macron. On discutait avec d’autres amis sur un réseau social et j’avais lancé l’idée, qu’en cas de confinement, la seule chose que l’on pourra faire serait de faire un film. Quatre autres réalisateurs ont répondu favorablement et on a décidé de faire un film collectif en racontant ce qu’il se passe autour de nous. On a contacté dans la foulée France 3 qui nous a dit oui en cinq jours puis on a cherché les producteurs (Jean-François Le Corre et Sabine Jaffrennou). On a vraiment fait un film à l’envers. Et tout s’est fait à distance, avec les producteurs et la chaîne, cela a été un drôle de film à faire. Et on était loin d’imaginer, qu’un an plus tard, on allait encore attendre ce que le président va nous dire ce soir (l’entretien a été réalisé le 31 mars quelques heures avant l’annonce du nouveau confinement, ndlr).

Ce qui est assez saisissant dans votre récit, c’est que vous divorcez deux semaines avant le confinement. Comment dissocie-t-on la séparation de la distanciation ?
Tout allait ensemble en fait. C’est ce qui était très étrange. Aya (son ex-épouse, ndlr) quitte la maison pour s’installer dans un appartement et les enfants vont rester deux mois avec moi. Elle est infirmière libérale. Ils ne pouvaient la voir que de loin, sans pouvoir la toucher, c’était une distanciation très forte pour eux. Pour moi, il y avait tout à coup le fait de devoir leur faire l’école, seul à la maison. Tout était étrange. Je me souviens que les premiers jours quand j’allais faire les courses à Colmar, je pensais à l’atmosphère que j’avais trouvé dans des villes en guerre. Cela faisait beaucoup penser à Sarajevo en 1993 avec ce silence dans la ville et ces paysages que je connaissais où, subitement, il n’y avait plus personne. C’était une drôle de sensation d’autant qu’on ne savait rien du virus. On se posait plein de questions, on n’avait pas de masques, on ne savait pas comment on était contagieux…
Une période hors du temps où je me suis mis à jardiner et trouver un quotidien avec les enfants dans la nature. C’était une vraie chance par rapport à ce qu’a vécu Elisabeth Jonniaux qui se trouvait dans son appartement de 30 mètres carrés à Paris, à ne pas pouvoir bouger et s’interroger comment elle allait faire ses courses. Je trouve qu’on a un peu oublié comment était ce premier confinement. Je me souviens aussi de groupes Facebook où on pouvait échanger des films. J’ai récupéré ainsi tout Chantal Akerman. Il y a eu des communautés virtuelles qui se sont formées comme ça, avec des belles choses. Ce qu’on a pas forcément retrouvé dans le deuxième confinement.

Qu’est-ce qu’on décide de filmer quand on se retrouve dans une telle situation ?
Notre producteur (Jean-François Le Corre) nous a posé plein de questions. Il s’interrogeait sur le fait qu’on fasse un film qui ne soit pas de la télé. On n’allait pas faire du JT, ni de l’information. Donc, il fallait qu’on se considère comme des personnages de fiction avec une histoire à raconter. Chez Aubin Hellot, à Malakoff, il y a cette chanteuse, Francesca, qui est une de ses voisines d’en face. Il s’inquiète pour elle et cela va devenir son fil conducteur depuis son balcon. Pour Martin Benoist, qui vit à Étretat, ce sera sa fille et ses conversations au téléphone avec sa psy. Pour moi, c’est les enfants et le temps du divorce. On trouve très vite des choses autour de nous et on essaie de travailler là-dessus, sur ce qui est possible dans notre kilomètre. Ce n’est pas un journal de confinement autocentré mais, dans les expériences des uns et des autres, chaque spectateur va retrouver, à un moment donné, des choses qu’il a vécues.

La pandémie reste-t-elle une source d’inspiration ?

Non, je suis parti sur d’autres projets. C’était important de travailler sur ce premier confinement et de prendre du temps. Au début, France 3 voulait très vite diffuser le film dès le mois de septembre 2020. On préfère le voir comme un objet historique. C’est difficile de voir des films sur le confinement aujourd’hui parce que les gens ont en marre. Le film sera sans doute plus parlant dans un an ou deux. On se pose plein de questions. Moi, j’aimerai bien que tout cela se termine dans trois à quatre mois. Mais je n’en sais rien, je ne sais pas s’il y aura un monde d’avant et un monde d’après.

La distanciation, par Martin Benoist, Brigitte Chevet, Aubin Hellot, Robin Hunzinger et Élisabeth Jonniaux. Disponible en replay sur France 3 Grand Est.

Par Fabrice Voné