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Vers la forêt de nuages / To the forest of cloud, 2015

jeudi 5 mars 2015, par La cavale

“ Vers la forêt de Nuages” Long-métrage documentaire, 62 minutes, HD, 2015.

Coproduction : REAL PRODUCTIONS avec MIMENSIS, VOSGES TELEVISION, BAFILA FILMS et MIRABELLE TV.

avec l’aide de l’Agence culturelle d’Alsace (Aide au développement) et de la PROCIREP-ANGOA (Aide au développement)

Luxor African Film festival, Egypte, 2016 : Prix international FREEDOM / Outlook-International Market of Visions du Réel : Festival International de cinéma Nyon, Suisse, 2016 / Festival International du Film Panafricain de Cannes, France, 2016 : Prix spécial du jury / Festival Roma Cinemadoc, Italie, 2016 / Martinique International Film Festival, France, 2016 : Best Documentary Feature Film / Festival Film Africa, Londres, Grande Bretagne, 2016 / Joburg Film festival, Johannesburg, Afrique du Sud, 2016/ Festival international du film numérique de Cotonou, Bénin 2016 / Rendez-vous du carnet de voyage, Clermont Ferrand, 2016, CEME DOC, Mexico, Mexique, 2016.

C’est l’heure du départ. Timothée, 8 ans, petit garçon métis, se prépare à s’envoler pour l’Afrique, ce continent qui le constitue à moitié et qui n’est encore pour lui, comme pour ses camarades d’école en France, qu’une fiction peuplée de sorcières et d’éléphants. Il part en Côte d’Ivoire, avec Aya, sa maman, 31 ans, une Baoulé. Celle-ci, après dix ans d’absence, l’embarque avec elle, malgré les soubresauts de la guerre, pour renouer avec sa famille et se recueillir sur la tombe de son père.

Les personnages

Tim est né en France, d’un père français et d’une mère ivoirienne. Il vit en Alsace. Il a huit ans. Il est en CE2. Il aime jouer au foot, aux petites voitures et dessiner. Il sait que Aya, sa maman, est noire et qu’elle vient d’un autre pays.

Aya, en effet, a été élevée dans La Forêt des Nuages, à l’ouest de la Côte-d’Ivoire, par Jeanne, sa grand-mère maternelle, puis au centre du pays, par Denis, son père, instituteur. A 20 ans, elle a quitté Abidjan où des troubles ont éclaté pour venir en France. Elle s’y est mariée, est devenue française. Elle a aussi repris ses études, et depuis 2013 elle est infirmière.

Elle projette de retourner là-bas pour retrouver sa famille en deuil et pour se recueillir sur la tombe de son père, enterré quelque part, loin, dans un village de la savane. Et pour revoir aussi sa grand-mère, Jeanne, la figure tutélaire de son enfance. Elle embarquera ses deux enfants, Tim et Nine, avec elle. Robin, son mari, réalisateur, les suivra et filmera ce double retour au pays.

Les questions

Qu’éprouve-t-on quand on a huit ans et qu’on se prépare à partir en Côte-d’Ivoire ? Tim sait confusément qu’une moitié de lui en provient. Il sait situer sur le globe cette moitié inconnue où des cousines et des cousins l’attendent. Mais le pays de sa maman, La Forêt des Nuages, n’est encore qu’une fiction, une sorte de jungle tenue par les chasseurs Dozo, en Ray Ban et tenue léopard, bardés de cartouches et de gris-gris. Tim les a vus en photos. Ensuite, il les a dessinés. Son papa lui a dit que sur les routes, il pourra se trouver face à des barrages. Sa maman lui a raconté que, petite fille, elle n’avait pas le droit d’entrer dans la forêt peuplée de serpents, de singes, de tigres et d’éléphants. Parfois, après s’être attardé sur la page des reptiles de son encyclopédie, Tim fait des cauchemars où des serpents monstrueux le poursuivent. Comment va-t-il vivre la réalité de cette découverte ?

Et qu’éprouve-t-on quand on a quitté son pays, jeune fille, et qu’on y revient à trente ans, métamorphosée en française ? Le pays a changé. Gbagbo est en prison à La Haye, Ouattara a repris le pays en main. Aya est une Baoulé, la principale ethnie de la Côte d’Ivoire. Enfant, elle a été façonnée par ce mélange de christianisme et de sorcellerie qui est sa religion. Elle veut revenir au pays pour clore les tractations qui accompagnent un deuil. Mais aussi pour présenter son mari et ses enfants à sa famille dispersée entre plusieurs villages, plusieurs ethnies. Qu’aura-t-elle gardé en elle de son enfance, fables et mythes, face aux retrouvailles ? Face aux rites ? Face à cette culture toute autre qui est toujours la sienne ?

C’est dans ce contexte - celui d’un pays inconnu appréhendé à travers les clichés d’un petit garçon élevé en France, et celui d’un pays natal retrouvé par une jeune femme adulte - que la narration mêlera deux regards. Au premier plan, le regard écarquillé de Tim ; au second plan, celui d’Aya et de ses interrogations d’adulte.

Tout commence à l’aéroport de Bâle

Tim et Aya prennent l’avion. Ils ont des valises de cadeaux. Ils ont l’un et l’autre une attente immense de ce que ce voyage en Afrique va leur révéler. Cet entrelacs de regards et d’émotions, en une lente progression intimiste, nous mènera des quartiers de la savane de Sakassou aux quartiers placés sous haute sécurité d’Abidjan, pour aboutir à La Forêt des Nuages. On les suivra le long des routes parcourues de milices à pick-up. On les verra faire halte dans des cours de village où enfants et poules partagent le même repas. On les verra sous un immense ciel nocturne montrer, sur l’écran éblouissant d’un ordinateur portable, à la famille d’Afrique, les images de la famille d’Occident. On les verra assister à la célébration d’une messe de souvenir, à la fois chrétienne et baoulé.

Et puis il y aura l’enfance. Elle sera au premier plan. Comment Tim vivra-t-il sa différence de métis aux cheveux non rasés, donc de petit Blanc, dévoré des yeux par les autres enfants ? Sera-t-il vite invité à participer aux jeux de tous ? Comme par exemple “au rallye” quand on fait se lever de la poussière rouge avec les pieds dans les cours des maisons ? Ou “au saute-bidon”, par dessus les gros réservoirs en plastique qui servent à chercher l’eau ? Ses cousins parlent la même langue que lui. Vite, ils se comprendront. Vite, tout deviendra facile, évident, familier, infini : les fruits tellement différents, les jeux tellement passionnants.

Aya, évoluera en arrière-plan. En Côte d’Ivoire, la crise politique n’en finit pas. En 2014, la situation dans ces régions reste instable, en raison des tensions intercommunautaires et de la présence de groupes armés. C’est dans ce contexte qu’Aya, malgré tout, part revoir les siens. Fière d’avoir acquis son diplôme d’infirmière, consciente de ce qu’elle doit à l’amour de sa grand-mère et à l’exigence de son père instituteur, elle a besoin d’aller leur manifester sa reconnaissance, de leur présenter son mari et ses enfants, par-delà même le deuil et la mort. Et puis, elle a des choses à règler avec sa famille. Des histoires compliquées de « sorcellerie », de « banissement », de « tribu à payer », de « tabou » où sa grand-mère est mêlée et auxquelles on voudrait la mêler, elle. Saura-t-elle faire la part des choses entre son ancienne culture magique et sa nouvelle culture humaniste ?

Il s’agit donc d’un double voyage. Celui-ci cheminera entre des moments de mise à distance occidentaux, et d’autres moments de transmission de culture africaine. Il se révèlera sans doute un approfondissement de l’âme de Tim. Tantôt, mélancolique : les rhinocéros, les lions et les éléphants qu’on lui a promis, il n’est pas sûr qu’on puisse les lui montrer. En deux ans, le braconnage, s’est multiplié par dix. Tantôt, initiatique : avec Bénédicte, Rachel, Gildas, Charles et Boris, ses cousines et cousins, c’est sûr, Tim s’entendra bien.

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